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Copropriété : absence de mise concurrence et responsabilité du Syndic




LE 18 SEPTEMBRE 2018

La loi ALUR du 24 mars 2014 a complété l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 pour instaurer une obligation de mise en concurrence du contrat de syndic. Dans sa dernière version, issue de la loi Macron du 6 août 2015, cet article prévoit que : "Tous les trois ans, le conseil syndical procède à une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic avant la tenue de la prochaine assemblée générale appelée à se prononcer sur la désignation d'un syndic, sans préjudice de la possibilité, pour les copropriétaires, de demander au syndic l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de l'examen des projets de contrat de syndic qu'ils communiquent à cet effet. Toutefois, le conseil syndical est dispensé de procéder à cette mise en concurrence lorsque l'assemblée générale annuelle qui précède celle appelée à se prononcer sur la désignation d'un syndic après mise en concurrence obligatoire décide à la majorité de l'article 25 d'y déroger. Cette question est obligatoirement inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale concernée. (...) Lorsque la copropriété n'a pas institué de conseil syndical, la mise en concurrence n'est pas obligatoire". Il ressort de cette disposition que c'est au Conseil syndical qu'incombe de procéder à la mise en concurrence des syndics. Le texte ne laisse guère de doute sur ce point puisque, en l'absence de Conseil syndical, cette mise en concurrence devient même facultative. En outre, depuis la loi du 6 août 2015, cette mise en concurrence n'est que triennale et peut faire l'objet d'une dispense en Assemblée Générale, ce qui allège encore le dispositif, relativement peu contraignant en l'état. Mais dans une décision rendue le 16 mai 2018, la Cour d'appel de PARIS a renforcé considérablement l'effectivité de cette mise en concurrence, en rendant le Syndic responsable de sa mise en oeuvre (CA Paris, 16 mai 2018, n°16/17765). Après avoir rappelé que "comme tout professionnel libéral, le syndic est tenu d’un devoir de conseil vis-à-vis du syndicat et des copropriétaires ", la Cour a estimé que "même si l’obligation [de mise en concurrence] pèse essentiellement sur le conseil syndical, le syndic a quant à lui un devoir d’information et de conseil envers les copropriétaires et spécifiquement dans le cadre de cette mise en concurrence puisqu’il était spécialement prévu par le texte, que ceux-ci devaient être informés en amont de l’assemblée générale de l’absence de mise en concurrence afin qu’ils puissent le cas échéant soumettre à l’examen de l’assemblée générale d’autres projets de syndic ". Ainsi, alors que, en principe, "le conseil syndical assiste le syndic et contrôle sa gestion" (art. 21 loi du 10 juillet 1965), c'est ici le Syndic qui doit surveiller le Conseil syndical pour s'assurer qu'il procède bien à une mise en concurrence de son mandat ; à défaut, il doit en informer les copropriétaires afin qu'ils puissent, s'ils le souhaitent, mettre au vote d'autres contrats.   La décision de première instance, confirmée sur ce point, caractérisait légèrement différemment la faute du Syndic : "La société LESIEUR, qui a procédé à la convocation de l’assemblée générale pour le 24 juin 2014, a méconnu ces dispositions d’ordre public [l'article 21 de la loi] et engagé sa responsabilité en sa qualité de professionnel pour ne pas avoir accompli son devoir de conseil auprès des membres du conseil syndical pour qu’ils sollicitent d’autres candidatures en vue du renouvellement de son mandat de syndic. (...) La faute du syndic a impliqué de convoquer une nouvelle assemblée pour régulariser le renouvellement du mandat du syndic et donc une dépense supplémentaire pour le syndicat des copropriétaires d’un montant total de 4.488,81 euros, selon les comptes annuels de 2014" (TGI PARIS, 24 mai 2016, n°14/12133). Le Tribunal de Grande Instance avait donc reproché au Syndic de ne pas avoir conseiller aux membres du Conseil syndical de solliciter d'autres candidatures dans le cadre d'une mise en concurrence ; la Cour d'appel lui reproche de ne pas avoir informé "les copropriétaires" de l'absence de mise en concurrence. C'est donc bien un devoir d'information au profit de l'ensemble des copropriétaires que retient la Cour d'appel, ce qui n'est pas sans poser de difficultés pratiques dans sa mise en oeuvre. Selon une Jurisprudence constante, en effet, "celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation " (Cass. Civ. 1ère, 25 févr. 1997, n°94-19685) ; il en va de même s'agissant de l'obligation de conseil : il incombe au débiteur de l'obligation de prouver qu'il y a satisfait (Cass. Civ. 1ère, 28 oct. 2010, n°09-16913 ; Cass. Com., 22 mars 2011, n°10-13727). En l'occurrence, pour prouver qu'il a informé les copropriétaire de l'absence de mise en concurrence, le Syndic devra-t-il adresser un courrier (simple ou RAR?) à chacun d'eux ? Ou procéder à un affichage sur place ? Et quel délai "raisonnable" laisser avant l'envoi des convocations, pour permettre aux copropriétaires d'adresser un projet de mandat concurrent ? Tout ceci n'est pas précisé. En l'état, le Syndic doit donc désormais : 1° s'assurer de la mise en concurrence effective de son mandat par le Conseil syndical ; 2° à défaut, inviter le Conseil syndical à y procéder (par email ou au cours d'une réunion, en prenant soin d'en faire alors mention dans le compte-rendu) ; 3° et si le Conseil syndical ne donne pas suite, informer les copropriétaires de cette absence de mise en concurrence et leur rappeler qu'ils disposent de la faculté de faire parvenir - avant tel délai à préciser - un contrat de syndic concurrent qui sera soumis à la prochaine Assemblée Générale.  Le Syndic devra veiller à se ménager les preuves de ses démarches, dans la perspective d'un éventuel contentieux. Quant aux conséquences d'une défaillance du Syndic, le Jugement du 24 mai 2016 évoque sa prise en charge des frais de convocation d'une nouvelle Assemblée pour régulariser le renouvellement de son mandat, car une telle régularisation avait eu lieu en l'espèce. Cependant, si tel n'est pas le cas, le risque d'une action en nullité de la résolution approuvant le mandat du syndic - pour défaut de mise en concurrence - ne peut être totalement écarté. L'on sait en effet que lorsqu'un copropriétaire demande régulièrement l'inscription d'une résolution à l'ordre du jour et que le Syndic n'y procède pas, ce dernier engage sa responsabilité personnelle pour faute sans que, en principe, cela n'affecte la régularité de l'Assemblée Générale. Toutefois, la nullité peut être prononcée lorsque les questions dont le syndic a refusé l’inscription à l’ordre du jour sont de nature à modifier le vote des copropriétaires. Et, précisément, la Cour d'appel de PARIS a récemment annulé la résolution renouvelant le mandat d'un Syndic, faute pour ce dernier d'avoir porté à l'ordre du jour la demande d'un copropriétaire tendant à ce que d'autres mandats soient soumis au vote :  "Les premiers juges ont ainsi exactement relevé que le non respect de l’ordre du jour complémentaire, qui soumettait à l’assemblée la candidature d’un deuxième syndic, a altéré le vote des copropriétaires, du fait qu’il a eu pour effet de priver ces derniers d’un choix entre deux syndics" (CA Paris, 25 janvier 2017, n°15/05716). De là à considérer que le renouvellement du Syndic serait nul pour n'avoir pas susciter de mise en concurrence auprès des copropriétaires, en cas de défaillance du Conseil syndical, il n'y a qu'un pas vers lequel semble s'orienter la Cour d'appel de PARIS.


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